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Douglas Sirk a été sacré « prince du mélodrame ». Chacun connaît la série flamboyante et baroque qu’il a signée chez Universal international : Le secret magnifique, Écrit sur du vent, La ronde de l’aube, Mirage de la vie, constituent autant de tableaux, peints de couleurs stridentes, de la décadence d’une société. Intoxiqués par l’alcool et le pouvoir, hantés par l’obsession de la stérilité, fascinés par les engins de vitesse et de mort, les personnages de Sirk se cloîtrent dans des palaces de marbre, qui deviendront leurs mausolées. Ce n’est là, pourtant, que la partie la plus spectaculaire d’une œuvre singulièrement riche, tout à la fois diverse et cohérente. Dès les années trente, celui qui s’appelle encore Detlef Sierck réalise, en Allemagne nazie, d’admirables mélodrames. Curieux, depuis l’enfance, de l’Amérique, il entreprend à Hollywood une seconde carrière, signe des productions indépendantes, dirige George Sanders dans des œuvres raffinées et ironiques, comme Scandale à Paris, étonnante biographie romancée de Vidocq. Avant de donner, avec La ronde de l’aube, la plus belle adaptation cinématographique de Faulkner, il porte à l’écran Tchekhov, réalise un film sur les Jésuites, des comédies acides, de toniques films d’action et d’aventures (Le signe du païen, Capitaine Mystère). Après avoir passé vingt ans à Hollywood, Sirk revient en Allemagne, retourne au théâtre, à l’enseignement, à la lecture des classiques : il redevient un intellectuel européen. Une analyse attentive de l’ensemble de l’œuvre, la situe dans son contexte historique, celui de l’émigration allemande à Hollywood, et en éclaire la double et contradictoire fidélité : au Vieux continent et à la jeune Amérique, au sentiment de l’inéluctable décadence, et à la nostalgie d’une innocence pastorale.