Droit et pouvoir en Haïti
De l'expérience l'ouverturienne à l'occupation américaine
La thématique « Droit et pouvoir en Haïti » s'inscrit dans une histoire postcoloniale mouvementée, sur la longue durée de la formation de l'identité juridique haïtienne. Après l'Indépendance, l'État en Haïti s'est construit en partie sur la base des structures juridiques et politiques de l'ancienne métropole, notamment du droit public moderne issu de la Révolution française. La fragilité de l'État en construction tient à ce que le droit ne parvient pas toujours à canaliser la force du pouvoir politique, qui est souvent d'essence patrimoniale en Haïti, il faut ainsi envisager les droits subjectifs à travers la manière dont ils sont énoncés, voire « codifiés » dans les - nombreuses - constitutions haïtiennes. La Révolution haïtienne de 1804 reste l'une des variantes coloniales de la Révolution française qui a accouché d'un modèle théorique d'État antiplantationnaire, antiesclavagiste et anticolonial. Le problème tient au mimétisme des premiers dirigeants haïtiens s'incarnant parfois dans le « paternalisme constitutionnel » de l'armée, la colonialité du droit et du pouvoir restant un héritage de l'expérience louverturienne. Le droit privé haïtien a puisé également dans les sources françaises en s'inspirant des codes napoléoniens. Le système haïtien entretient ainsi un rapport complexe aux sources du droit, notamment au regard de la coutume, qui est plus ou moins reléguée au nom du monisme officiel dans une sorte de droit informel.
Le présent ouvrage met à l'honneur le défi postcolonial de l'État de droit sur les questions de droit et de justice, par l'approche internationale de sujets portant sur la dette de l'Indépendance ou encore l'influence des acteurs étrangers sur la législation haïtienne. Le conflit diplomatique séculaire sur l'indemnité de 1825 (reposant sur le principe d'une compensation du préjudice causé aux anciens colons) interpelle l'historien du droit, au-delà d'une approche seulement financière du problème. L'étude des questions de droit privé et d'état des personnes permet également d'articuler les enjeux de pouvoir, de propriété et de territorialité, à travers les contributions portant sur la question foncière et la micro-exploitation, notamment dans le Code rural de 1826 et sur le problème complexe des conflits de lois en Haïti.