Sous les formes diverses du mandat divin, de la raison naturelle, du contrat social ou du consensus populaire, toujours le droit se prévaut de sa rationalité. Comme si, pour assurer sa légitimité et sa vérité, le discours juridique devait s'ancrer en quelque absolu. Mais ce « bien-fondé » ne traduit-il pas plutôt une dérive fantasmatique, une invocation magique, un débordement de la logique par le mythe ? Telle est la question que pose ce livre qui, pour analyser l'intrication de la raison et du mythe dans le droit, étudie tour à tour la nature du raisonnement du juge, le statut de la logique juridique et la question du fondement de la validité de la loi. Sans doute la pensée juridique se montre-t-elle divisée sur chacune de ces questions essentielles : la logique du droit est-elle formelle ou argumentative, affaire de syllogisme ou de prudence ? La validité du droit est-elle positive ou méta-positive, affaire de pouvoir ou d'idéal ? L'ouvrage s'attache cependant à montrer que ces controverses n'entament jamais les dogmes de l'impérativité et de l'intelligibilité du droit et que se trouvent ainsi préservées l'obéissance et la croyance dont la loi se soutient. Cet « impensé », qui travaille tant la dogmatique juridique que la philosophie du droit, est progressivement éclairé à l'aide d'une pratique interdisciplinaire qui s'appuie sur les enseignements de l'epistemologie, de la théorie du texte et de la psychanalyse. Il apparaît en définitive que la force de la loi ne réside point tant dans sa rationalité, que dans la fascination qu'elle suscite, le transfert dont ses auteurs font l'objet et le rituel dont s'entoure sa mise en œuvre. Cristallisation théorique qui opère le blocage de la pensée, violence pratique qui ramène l'aléa du social-historique sous les catégories du texte juridique.