Assemblée mineure d'un régime décrié, dépourvue à l'origine du prestige au moins apparent des deux Sénats qui l'ont précédée et suivie sous les IIIe et Ve Républiques, le Conseil de la IVe République n'en fut pas moins le théâtre d'une intéressante évolution politique. Des pouvoirs législatifs chichement mesurés, mais réels, et un statut d'assemblée parlementaire lui furent accordés à la suite de l'échec référendaire de la première Constitution en 1946. Puis, il sut, sous l'habile autorité de Gaston Monnerville, tantôt venir au secours de gouvernements en difficulté face à une Assemblée nationale quasi omnipotente, mais versatile, tantôt utiliser sa relative popularité dans une opinion déroutée par les méandres d'une action gouvernementale aux prises avec des difficultés de tous ordres.
D'où l'intérêt de son histoire, ici concrètement et minutieusement retracée par Marc Baroli et Dominique Robert. La morale de cette histoire, qui fut à l'origine de la résurrection du Sénat en 1958, elle-même suivie de nouvelles péripéties moins constitutionnelles que politiques, nous enseigne que la pratique a souvent raison de la volonté des constituants, qu'ils soient bien ou mal inspirés.