L'un des points parmi les moins explorés de l'oeuvre de Marcel
Duchamp correspond à son séjour à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Il y est resté pratiquement deux ans, de 1913 à 1915. C'est le seul lieu
où il entreprit de s'astreindre à un travail, fuyant le statut d'artiste pour
se protéger sous le masque du bibliothécaire.
Situé entre son voyage à Munich qui marque la fin de sa pratique
de la peinture et son séjour à New York qui le voit élaborer une oeuvre
sans précédent, son temps à la Bibliothèque Sainte-Geneviève se signale
par un intense effort de réflexion à partir de textes et d'images qu'il
découvre dans des livres consacrés à la perspective et à la géométrie. La
Boîte verte et une large partie des notes seront l'expression de cette quête.
Il lit, lève des dessins et retient des citations. Tout cela forme le réservoir
inépuisable qui permettra à ses chefs d'oeuvre de s'élancer, Le Grand Verre
ou Étant donnés, comme aussi à ses productions en marge.
Ce temps intermédiaire qui explique la large explosion Duchamp
aux États-Unis n'a jamais été considéré à sa vraie mesure. C'est une
prise en compte complète de ce phénomène qu'Évelyne Toussaint et
Yves Peyré ont souhaité réaliser, la première au gré d'une approche
analytique, le second par le biais d'un regard synthétique.
Le volume Duchamp à la Bibliothèque Sainte-Geneviève donne ainsi un
aperçu nouveau de la création selon Marcel Duchamp tout en révélant
l'une des sources les plus fécondes de son oeuvre.