L'oeuvre de Saint-John Perse semble édifiée à l'écart des nouveautés littéraires du XXe siècle.
Dans cet ouvrage, l'auteur conjugue des analyses thématiques et stylistiques, complétées par l'étude des manuscrits et de l'intertextualité nourrie par la bibliothèque du poète, et interroge l'historicité d'une oeuvre qui s'est donnée pour intemporelle. Elle adopte une démarche chronologique afin d'accompagner simultanément l'évolution de la pensée et celle de l'écriture, en soulignant les points vifs où s'expriment les forces contraires, tendues à l'extrême, de la poétique de Saint-John Perse.
Chapitre Premier. "Des villes sur trois modes" :
Mélancolie, agressivité, sensualité
Chapitre 2. Images à crusoé et la pensée mystique
Chapitre 3. Les déesses-mères : attirance et répulsion
Chapitre 4. "Le Blanc Royaume", Eloges et les Epinicies
Chapitre 5. "Une enfance en noir" : Eloges et la pensée de la mort
Chapitre 6. Crise philosophique et littéraire
Chapitre 7. Anabase : l'ordre et l'aventure
Chapitre 8. Exil : du "proscrit" au "Numide"
Chapitre 9. Vents : les forces et le sens
Chapitre 10. Amers : une harmonie "contre-tendue"
Chapitre 11. Eloge de l'énergie : Chronique, Oiseaux, Discours
Chapitre 12. Ambiguïté de Sécheresse
L'oeuvre de Saint-John Perse semble édifiée à l'écart des mouvements littéraires du XXe siècle. Le poète a cultivé cette distance en même temps qu'il sculptait le masque du personnage appelé "Saint-John Perse" dans le volume de la Pléiade rédigé et agencé par ses soins : il entendait alors défendre sa poésie dans un contexte jugé défavorable. Colette Camelin interroge l'historicité de cette oeuvre, donnée pour intemporelle, et montre comment, affrontant les enjeux majeurs du siècle, elle se construit dans un dialogue complexe avec le symbolisme, le surréalisme, la peinture de Georges Braque...
Da manière originale, l'étude conjointe des manuscrits et de la bibliothèque du poète permet de combiner l'analyse des recueils, au fil de l'élaboration de l'oeuvre, avec l'examen des ouvrages qui ont nourri sa pensée. On lit par-dessus son épaule Empédicle, Pindare, Virgile, Plotin, Spinoza, Rimbaud, Nietzsche, Bergson, en même temps qu'on accompagne son évolution intellectuelle, inscrite dans les Proses et la texture même des poèmes.
Dans cette poétique se dégagent ainsi de vives tensions entre l'énergie cosmique et l'action humaine, la puissance du subconscient et la rigueur intellectuelle, mais aussi entre la souffrance de la perte et l'éclat de l'éloge, le rythme savamment gouverné et l'émotion qui brise la syntaxe. Oeuvre humaine "à fleur d'abîme", oeuvre vivante où, des contraires, jaillit l'éclat.