« Entre toutes nos préoccupations sociales, il n’en est pas qui caractérise mieux notre époque et lui fasse plus d’honneur que celle de faire participer les ouvriers aux bienfaits matériels, intellectuels et moraux, de cette civilisation dont ils sont en partie les auteurs, que de chercher à leur assurer un genre d’existence (standard of life) confortable, hygiénique, décent, honorable, et même, dans la mesure du possible, agréable. Ce sont tous les moyens propres à réaliser ces fins que nous allons parcourir dans ce chapitre1.
Cette préoccupation — très nouvelle, car elle n’existait guère autrefois : on pensait que pour le peuple tout était assez bon et que lui-même n’attachait guère d’importance aux raffinements de la civilisation — n’a pas pour unique mobile un sentiment d’altruisme généreux mais aussi des causes plus scientifiques. D’une part, nous avons appris quelle est l’influence du milieu sur l’homme, comme sur tous les êtres d’ailleurs, et pourquoi il est impossible de l’élever et de le transformer aussi longtemps qu’on le laissera dans un milieu infect, pourri par la promiscuité du logement, empoisonné par le débitant de boissons et par l’épicier, n’ayant d’autres délassements que le café-concert ou le bal public. Et, d’autre part, nous avons appris la loi de solidarité sociale qui lie dans une large mesure notre propre confort, même notre santé et notre vie, à celui de nos semblables. C’est pour nous autant que pour eux que nous nous efforçons maintenant de leur procurer des logements salubres, une nourriture hygiénique, de l’eau et des douches, des moyens d’éducation et de récréation et, ce qui importe plus que le confort lui-mème, le goût du confort sans lequel tous les instruments de bien-être qu’on pourra mettre à la disposition des ouvriers resteront inutilisés. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.