Dans l'Égypte pharaonique, les vivants entretenaient des relations avec
les défunts de leur communauté domestique, notamment à l'occasion
de fêtes et de célébrations rituelles spécifiques. Dans ce cadre, le mode
de communication privilégié avec l'ancêtre était celui de la parole, du
discours oral. L'écriture était toutefois aussi occasionnellement utilisée
comme médium de communication. C'est ce qu'atteste en particulier
le corpus des «lettres aux morts» - requêtes formulées sous format
épistolaire et tracées en écriture cursive («hiératique») sur divers supports
(vaisselle en terre cuite et papyrus essentiellement) -, attesté de
la fin du IIIe millénaire au Ier millénaire avant notre ère.
À travers l'étude de ce dossier, révélateur des mécanismes relationnels
reliant les survivants à leurs morts, cet ouvrage propose une
enquête sur un usage de l'écrit dans la procédure rituelle de l'Égypte
ancienne. L'importance de l'écrit dans le domaine religieux pharaonique
est bien connu, mais c'est sur l'écriture monumentale hiéroglyphique,
dont la «fonction de sacralisation» a particulièrement été
bien mise en évidence par Pascal Vernus, que l'essentiel de la
réflexion a jusqu'ici porté. Ce livre cherche donc à engager une
réflexion sur l'utilisation rituelle d'une technique d'écriture d'abord
réservée à une pratique quotidienne de l'écrit (documents administratifs,
lettres, archivage...), et aborde la question de l'efficacité de la
parole écrite par rapport à la parole énoncée en contexte rituel, ainsi
que la question de l'efficacité du texte tracé en écriture cursive par
rapport au texte hiéroglyphique en contexte votif.