Écritures de fantaisie
Grotesques, arabesques, zigzags et serpentins
Les formes changeantes du feu, de l'eau, des nuages ou de la fumée de tabac, les motifs zigzagants des tapis d'Orient et des châles importés du Cachemire, les tracés erratiques des jardins anglais et des passages parisiens, les esquisses instables de l'écrivain, les gribouillis griffonnés dans la marge de ses manuscrits, les ornements des livres imprimés, les arabesques du style... Tout, pour les romantiques, révèle le libre jeu de la fantaisie.
En même temps que l'imagination créatrice s'émancipe des cadres de la raison, le mouvement de la pensée emporte les monuments de son expression. C'est que l'esthétique de la fantaisie conjoint une force, le grotesque, et une forme, l'association libre : ce qui vient d'en bas, ce qui vient d'à côté. Or, les deux viennent de loin. D'une part, les motifs, les images et les figures de la culture populaire n'avaient pas cessé depuis la Renaissance d'irriguer le roman, genre sordidissime par vocation, comme en témoignait encore le Tristram Shandy de Sterne. D'autre part, les modèles rhétoriques qui régissaient la composition du discours paraissaient de plus en plus inadaptés : avec l'émergence de formules comme celles de l'essai à la Montaigne ou du Spectator d'Addison et Steele, c'était la polyphonie des traditions satiriques et comiques qui s'était introduite dans la prose d'idées et d'humeur.
Telle est la trame, fascinante et complexe, que ce livre se propose de reconstituer. C'est celle de notre histoire littéraire et artistique. C'est également celle de l'imaginaire moderne.