Edgar Morin n'a cessé de le répéter : « Ma vie et mon oeuvre sont indissociables. » Qui veut comprendre son parcours intellectuel doit le suivre de l'avant-guerre jusqu'à l'invasion de l'Ukraine et de Mai 68 aux secousses de la mondialisation. Sans oublier sa rupture avec le communisme, en 1959, qui le conduisit à l'exigence d'autocritique, l'un des piliers de sa méthode.
Car ce sociologue improvisé n'a jamais suivi d'itinéraire tracé. Hors des voies académiques, il a frotté sa pensée aux révolutions de la physique quantique, de la neurobiologie et de la cybernétique, mais aussi à Pascal, à Spinoza et à la spiritualité juive. Avec un but : nous initier à de nouveaux modes de connaissance du monde et de soi-même, où les paradoxes, le doute et la remise en question soient toujours les bienvenus. Ce sera l'objet de son oeuvre principale, La Méthode, une somme qui se propose de refonder, à la lumière des sciences cognitives, nos dispositions à « penser le réel ».
Philosophe, moraliste, pédagogue, défenseur ardent de causes innombrables, débatteur virulent des plateaux de télévision... Sur quelle voie suivre Morin ? Plus encore que de l'humaniste auquel on le résume parfois, Francis Lecompte dresse le portrait d'un « marathonien de la pensée », auteur d'une oeuvre inclassable dont il éclaire les concepts de complexité, d'auto-organisation et de transdisciplinarité. Et dont l'influence sur la vie des idées est loin d'avoir produit tous ses effets.