Ils ne sont pas si nombreux ceux qui, tel Edmond Maire, auront marqué leur époque en accompagnant, et parfois en devançant, les mutations de la société. Enfant d'un catholicisme populaire qui disputait au PCF l'encadrement des banlieues, il fut l'artisan d'un syndicalisme laïc affranchi de la tutelle de toutes les Églises spirituelles ou séculières et l'une des figures d'une gauche préférant affronter le réel que se réfugier dans le dogme.
Faire le récit de la vie d'Edmond Maire, c'est raconter l'histoire de la CFDT dont il fut le secrétaire général de 1971 à 1988 et où il a porté une volonté de ne jamais être intimidé par les tenants du marxisme jacobin, mais pas davantage par le patronat ou les gouvernants, de gauche comme de droite. C'est ainsi plonger au coeur d'une alchimie très française, faite du meilleur des traditions anarcho-syndicalistes, chrétiennes et socialistes du mouvement ouvrier.
Son souci de l'indépendance a conforté la CFDT dans sa réactivité aux grands enjeux qui ont surgi sur sa route : la guerre d'Algérie, Mai 68, mai 1981, l'antitotalitarisme, la crise marquant la fin des Trente Glorieuses. Il a incarné la haute idée d'un syndicalisme porteur de l'intérêt général et acteur de la transformation sociale, en plaçant au poste de commande le devoir de vérité et l'exigence de démocratie. L'itinéraire exceptionnel d'Edmond Maire est un plan de coupe de l'histoire politique et sociale contemporaine.