Il faut placer la réflexion qu’Édouard Glissant a inlassablement et obstinément poursuivie en regard de la philosophie européenne. Apparaît alors un « autre » Glissant, présent dès les commencements de l’œuvre, et qui brusque la tradition philosophique pour en arracher des propositions véritablement inouïes : Tout-Monde, Relation, créolisation. Dès lors, la cohérence et la clarté du parcours de la pensée s’imposent, contredisant le stéréotype d’une œuvre réputée « obscure » ou « difficile ».
Les essais d’Édouard Glissant augurent d’un temps et d’une géographie inédits de la philosophie, où une ontique fusionnante repense et déplace la métaphysique et l’ontologie. Glissant est un météore, surgi de cet espace cosmique qu’il a nommé l’Autre de la pensée.
Glissant doit être lu non pas seulement comme un très grand écrivain, mais comme celui qui aura renouvelé de fond en comble, à l’orée du XXIe siècle, les très anciennes questions de la philosophie, en revenant à sa figure première, que pratiquèrent Héraclite et Parménide et que bannit Platon : la poésie.