C'est un signe des temps. Il n'y a guère, dans l'euphorie du développement, Fernand
Braudel proposait une Grammaire des civilisations, étude des évolutions lentes mais
imperceptibles exercées sans fin «par les contraintes des espaces, des hiérarchies
sociales, des "psychés" collectives, des nécessités économiques». Aujourd'hui,
devant l'urgence des problèmes climatiques, écologiques et de renouvellement des
ressources, Jared Diamond définit une syntaxe, nerveuse, perceptible, des sociétés
à partir de la relation de leurs valeurs et besoins aux possibilités du milieu. Il la
conjugue à tous les temps : au passé, au présent comme au futur.
Car la question : «Comment des sociétés ont-elles disparu dans le passé ?»
peut aussi se formuler : «Au rythme actuel de la croissance démographique, et
particulièrement de l'augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie,
les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain ?»
La réponse se formule à partir d'un tour du monde dans l'espace et dans le
temps - depuis les sociétés disparues du passé (les îles de Pâques, de Pitcairn
et d'Henderson ; les Indiens mimbres et anasazis du sud-ouest des États-Unis ; les
sociétés moche et inca ; les colonies vikings du Groenland) aux sociétés fragilisées
d'aujourd'hui (Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l'Australie)
en passant par les sociétés qui surent, à un moment donné, enrayer leur effondrement
(la Nouvelle-Guinée, Tikopia et le Japon de l'ère Tokugawa).
De cette étude comparée, et sans pareille, Jared Diamond conclut qu'il n'existe
aucun cas dans lequel l'effondrement d'une société ne serait attribuable qu'aux
seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent
toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un
changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec
des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses
valeurs propres, à ces problèmes.
Cette complexité des facteurs permet de croire qu'il n'y a rien d'inéluctable
aujourd'hui dans la course accélérée à la dégradation globalisée de l'environnement.
Une dernière partie recense, pour le lecteur citoyen et consommateur, à partir
d'exemples de mobilisations réussies, les voies par lesquelles il peut d'ores et déjà
peser afin que, dans un avenir que nous écrirons tous, le monde soit durable et moins
inéquitable aux pauvres et démunis.