Les travaux d'Elie Halévy antérieurs à la Grande Guerre méritent un examen particulier. Ils comprennent un ensemble de contributions qu'inaugurent en 1901 les deux premiers volumes de La formation du radicalisme philosophique et qu'achève la publication du premier tome de son Histoire du peuple anglais au 19e siècle (1912). Loin du fatalisme croissant des contributions qu'il proposera dans l'entre-deux guerres lorsqu'il verra s'annoncer «l'ère des tyrannies», Halévy est ici attentif à toutes les virtualités du développement tant économique que politique. Aux sorties de l'affaire Dreyfus, revendiquant son «Républicanisme irrémédiable», il interroge l'idée de liberté et analyse les relations complexes qu'entretiennent progrès économique et progrès politique. Il multiplie les échanges avec les intellectuels de son temps, ses collègues de la Revue de Métaphysique et de Morale, mais aussi Vilfredo Pareto ou Bertrand Russell, et se positionne sur différents registres de l'analyse: il étudie l'histoire des doctrines, celles de Bentham, Smith et Ricardo mais aussi celles de Marx et des saint-simoniens; contribue à l'analyse des principes de la distribution des richesses; choisit enfin de s'éloigner de l'histoire des idées pour se plonger dans l'histoire des pratiques et étudier l'histoire du peuple Anglais.