Nous ressemblons aujourd'hui à des adolescents révoltés
qui découvrent qu'ils ne peuvent ni se suffire à eux-mêmes
ni vivre leur existence à crédit, mais qu'il faut
rendre des comptes. Entre l'oubli de la dette et le blocage
sur la dette impayable, il est urgent pour nos sociétés
d'apprécier le juste sens de la dette, capable de relier
les hommes entre eux et d'ouvrir l'avenir. «Qu'avons-nous
que nous n'ayons point reçu ?» se demandait saint
Augustin, soulignant ainsi que l'homme seul ne peut se
rendre créateur de lui-même.
La «crise des dettes» n'est pas seulement financière
et économique. Elle affecte l'identité de l'individu
contemporain et signe l'échec du désir d'indépendance
radical qui est au coeur du logiciel néolibéral. Cet état
critique de crise identitaire constitue une occasion
pour élaborer, à la jointure de l'intime et du social,
de l'éthique et du politique, un sens de la dette qui
permettrait d'en porter le poids avec plus de légèreté.