Si Platon a célébré l'Âme du monde, elle fut aussi vénérée, plus tard, par d'autres traditions philosophiques. Elle est l'anima mundi des chrétiens du Moyen Âge, la nafs al-Kuliyya (« l'Âme universelle ») des musulmans, la shakti de l'Inde... Médiatrice entre le monde de la matière dans lequel nos corps se meuvent et l'Intellect, avec l'Un qui demeure au-dessus de ce dernier, l'Âme du monde tient son rang de liant universel. Mais aucune parole rationnelle ne peut saisir l'essence ultime, ne peut maîtriser l'Origine. En même temps, cette essence se déploie à travers les mille et unes idées, formes, images, théophanies, symboles et concrétudes qui constituent notre réalité. L'Âme du monde est cette immanence, cette présence du divin dans un cosmos vivant.
Les amants de l'Âme du monde - des néoplatoniciens grecs aux soufis de l'islam, des alchimistes aux romantiques, de Goethe et Schiller à Romain Rolland et Cari Gustav Jung - ont su dire, dans des langues différentes, que le monde avait une profondeur qualitative, une dimension spirituelle. Malheureusement, à partir du XVIIe siècle, l'abandon de l'âme et de l'Âme du monde - en raison de l'essor de la « modernité capitaliste » et son désenchantement - a généré une dramatique crise écologique, une dévalorisation de l'imaginaire et une détérioration des rapports entre les civilisations, en particulier entre l'Orient et l'Occident.
Retrouver le chemin de l'Âme du monde, c'est donc se donner la possibilité de faire advenir un monde de la réconciliation, par-delà les dualismes qui déchirent l'unité du monde. C'est aussi tisser de nouveaux liens entre la spiritualité et la science, l'art et la métaphysique, la philosophie et la poésie. Michel Cazenave et Mohammed Taleb, avec ce livre, nous invitent au réenchantement de la nature et de l'âme.