«Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour
être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé,
mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur
diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de
telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux
constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances
inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand
il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du
luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse
de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite
l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace
ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent
chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit
que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup
sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces
filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes
stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre
là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant
sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à
la poudre d'or.»