Alors qu'il existe des ouvrages généraux sur l'homosexualité dans les
littératures anglaise, allemande, espagnole, italienne, américaine bien sûr,
la France a fait le choix pudique des monographies. Ainsi la critique s'est-elle
intéressée à l'homosexualité d'André Gide ou de Marcel Proust, mais
en privilégiant l'approche biographique, comme si celle-ci pouvait être
facilement isolée de l'oeuvre de ces écrivains.
La présente étude a pour objet de combler cette lacune, en s'interrogeant
sur le foisonnement exceptionnel de la littérature homosexuelle qu'a connu
la France au début du XXe siècle. Des oeuvres d'écrivains majeurs, outre Gide
et Proust, sont abordées, tels Jean Cocteau, Jean Genet, Julien Green,
Henry de Montherlant, Marguerite Yourcenar. Mais aussi d'écrivains
tout aussi réputés mais dont cet aspect de l'oeuvre, bien que pouvant être
considéré comme déterminant, n'a suscité que peu d'intérêt : Max Jacob,
Marcel Jouhandeau, Roger Martin du Gard, François Mauriac.
Pour être la plus pertinente possible, cette étude a aussi cherché à
faire sortir de l'ombre des écrivains moins connus comme René Crevel,
Pierre Herbart, Maurice Sachs, Francis Carco et une pléiade d'auteurs qui,
après avoir connu des gloires très inégales de leur vivant, ont sombré dans
un oubli quasi total : Axieros, Henri Deberly, Jean Desbordes, Charles-Étienne,
Marcel Guersant, Henry-Marx, Maurice Rostand...
En effet, ce sont tous ces écrivains qui ont contribué, chacun sur leur
mode personnel, à fixer l'approche littéraire mais aussi sociologique
de l'homosexualité, en France, durant la période troublée de l'entre-deux-guerres.
Les recherches qui, aujourd'hui, s'attachent au genre
et à ses avatars, bien que les récusant parfois, ne leur en sont pas moins
redevables.