Fils et petit-fils de rabbin, né à Épinal en 1858, Émile Durkheim
refuse de suivre la voie familiale. Agrégé de philosophie, il devient
professeur de sciences sociales à Bordeaux et commence la
rédaction de ses ouvrages de sociologie. Sachant s'entourer des
collaborateurs les plus zélés (Célestin Bouglé, Paul Fauconnet,
Maurice Halbwachs, Robert Hertz, Henri Hubert, Paul Lapie,
Emmanuel Lévy, Marcel Mauss, Paul Richard, François Simiand,
etc.), il crée avec eux en 1896 une revue, L'Année sociologique, et
forme ce qu'il est convenu d'appeler l'école française de sociologie.
Voilà pourquoi Marcel Fournier s'intéresse non seulement à
l'homme, mais aussi à tous ceux qui l'ont entouré et ont participé
avec lui à la fondation de cette nouvelle école de pensée, souvent
qualifiée à l'époque de «réalisme social». Dans cette biographie, à
la fois intellectuelle et collective, l'auteur ne laisse rien au hasard de la
vie et de l'oeuvre considérable du fondateur de la sociologie en
France. De De La Division du travail social (1893) aux Formes
élémentaires de la vie religieuse (1912), en passant par Les Règles de
la méthode sociologique (1895) et Le Suicide (1897), les préoccupations
majeures de Durkheim (l'individu, la famille, le travail, la politique,
la morale, la religion, la maladie, la guerre, la mort) résonnent
aujourd'hui avec autant d'acuité.
Si c'est une vie avant tout consacrée à la recherche et à l'enseignement
que l'on découvre ici, c'est aussi une existence qui, sans
être partisane, est sincèrement engagée : dans l'affaire Dreyfus, dans
la séparation de l'Église et de l'État, dans la montée du socialisme en
France. Enfin, profondément marqué par la mélancolie et la tragédie,
Durkheim parviendra difficilement à supporter les malheurs d'une
vie - la perte de son fils à la guerre -, d'une société et d'une époque.