L'intérêt presque exclusif dont jouit le fameux Emile de Rousseau,
dans les études actuelles sur la pensée éducative des Lumières, a
relégué dans l'ombre les théories pédagogiques que proposent à la
même époque les philosophes se rattachant au courant sensualiste,
tels Condillac et Helvétius. Leurs écrits (en particulier le volumineux
Cours d'étude pour l'instruction du Prince de Parme de Condillac,
en 1775) témoignent pourtant de l'extraordinaire fécondité,
en matière de réflexion sur l'éducation, des thèses issues de
l'empirisme lockien. Il y a eu, dans l'histoire des idées pédagogiques,
ce qu'on peut appeler un «moment empiriste», dont l'étude, pour
une large part, reste encore à faire.
C'est à l'analyse de ce «moment empiriste» qu'est consacré cet
ouvrage. Celui-ci se propose de resituer les différentes contributions
de l'époque, en matière de philosophie de l'éducation (principalement
celle de Condillac, mais aussi celle d'Helvétius et de Rousseau)
dans le cadre spécifique de la théorie empiriste, en les présentant
comme autant de façons différentes de tirer les conséquences
pédagogiquement réformatrices qu'impliquent par elles-mêmes
l'anthropologie et l'épistémologie sensualiste des Lumières.