Enfance et errance dans la littérature européenne du XIXe siècle
Figure de la marge, gamin de Paris ou petit vagabond des rues de Londres, l'enfant errant devient paradoxalement un personnage central du roman européen du XIXe siècle, tant il synthétise les hésitations et les contradictions d'une société en pleine mutation et sape durablement l'éthique de progrès qui prévaut autour de lui mais ne sait pas l'inclure. Le roman populaire, le théâtre et l'écrit autobiographique reviennent inlassablement vers l'enfant errant, fascinés qu'ils sont par une dialectique ambiguë qui fait alterner errance et intégration, liberté et enfermement, dérive et itinéraire. Quant à la littérature de jeunesse, que l'on voit se développer au cours du siècle, elle offre obstinément en modèle à son lectorat ce petit personnage souvent effronté, toujours à l'écart, comme si l'éducation et la socialisation de l'enfant-lecteur ne pouvaient se passer de l'exemple des tribulations du petit vagabond. C'est donc sur cette figure familière de la littérature du XIXe siècle que se penche cet ouvrage, qui examine les multiples facettes de l'errance, qu'elle soit misérable, aventurière, réelle ou fantasmée, quête identitaire ou encore désir d'éprouver la norme, car le propos ici est bien de montrer que le petit personnage fragile traverse le siècle porteur d'un questionnement qui dépasse largement la dimension sociale.