Enfant de salaud
« Un jour, grand-père m'a dit que j'étais un enfant de salaud.
Oui, je suis un enfant de salaud. Mais pas à cause de tes guerres en désordre, papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil. Ce n'est pas ça, un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d'occasion, résistant de composition.
La saloperie n'a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure.
Non. Le salaud, c'est l'homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans traces, sans repères, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui.
Qui s'est fourvoyé dans tous les pièges en se croyant plus fort que tous, qui a passé sa guerre, puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes.
Le salaud, c'est le père qui m'a trahi. »