Les «faits techniques» existent dans des milieux humains complexes en tant que
premier moyen de survie mais aussi comme des «étrangers» car «les machines»
omniprésentes demeurent souvent obscures à leurs usagers, profiteurs ou victimes.
Ainsi l'accélération post-industrielle du bio-pouvoir interdit concrètement toute distance
critique entre la nature et la condition humaines. L'actuelle prolifération des
langages médiatisés et des comportements formatés transforme-t-elle le «rêve de
Prométhée» en une utopie créatrice d'un «post-humain» ou n'est-elle qu'une nouvelle
image de cet homme-machine où chaque époque exprime sa conception physique
et symbolique de l'espace et du temps socialisés ? Les machines sont des liens
et des otages entre la nature et la culture, la vie et la mort, la nécessité et le hasard,
la sagesse et la ruse, l'espoir et la peur, l'emploi et le chômage, le réel et le virtuel,
selon l'engrenage général des savoirs et pouvoirs mis en oeuvre.
On a choisi quatre ouvertures, chacune illustrée par un exemple : 1. Quelques
concepts d'inspiration bachelardienne et une position rationnelle et matérielle du
progrès (exemple : le caoutchouc) ; 2. L'exploitation économique du registre technique
(ex. : la préhistoire du mondialisme) ; 3. Le développement d'un milieu de la
communication, de la transmission, du transport (ex. : le modèle de l'automobile) ;
4. Les situations réelles de travail, fondements de la modification utile du milieu et
haut lieu de la sélection des hommes (ex. : l'esclavage contemporain, la déqualification
technique).
Ce livre fait appel à l'histoire récurrente à partir du paradoxe qui veut que plus
la machine est étroitement intégrée à notre corps et notre esprit, moins elle nous
parle de ses concepteurs, acteurs et responsables, dans la logique d'un mouvement
ancien mais qui devient dans notre milieu un engrenage de consommation plus
qu'un gage d'autonomie. Ce problème prend ainsi un sens anthropologique, polémique
et politique revendiqué comme tel par l'auteur.