S'il appartient à chacun selon sa sensibilité, ses doutes, ses
convictions, sa foi, d'appréhender la disparition des autres, de
l'autre ou bien de soi, la mort apparaît, le plus souvent, dans l'imaginaire
occidental, comme une étape, un passage. En effet, l'homme n'a cessé
de chercher à combler, à imaginer, mais aussi à construire cet espace de
la coupure entre ici-bas et au-delà afin d'établir sinon une continuité,
du moins des liens entre les deux mondes.
Face à une éternité acquise, improbable ou hypothétique, mais
uniquement possible par la mort, le concept de continuité se pose
d'emblée comme une quête, une recherche dont le but avoué serait de
mettre en échec la disparition et, par là même, l'effacement que dicte le
passage du temps. Dans ce combat, le travail de mémoire s'avère
essentiel, l'art, les coutumes et les rites fondamentaux. La mise en scène
des funérailles, la représentation du défunt et de sa sépulture sont autant
de stratégies qui assurent la pérennité d'une image destinée à fonctionner
comme modèle à suivre pour les vivants. Rois, saints et personnages
illustres constituent ainsi une lignée d'êtres devenus immortels grâce à
une mémoire entretenue à travers les époques.
Dans cet ouvrage, le propos des auteurs est de définir et d'analyser
les supports et les représentations de cet imaginaire entourant la mort et
son dépassement. On s'interroge, notamment, sur le statut du corps, sur
les intermédiaires entre le temporel et le spirituel, et l'on mène une
réflexion sur l'espace en étudiant les lieux de la mémoire, de la transition,
du transfert. On y étudie aussi les manifestations discursives de cette
quête en identifiant les éléments qui traduisent cette tension entre rupture
et désir de continuité. Les études consacrées à la poésie accordent une
importance particulière aux figures, à certains jeux phoniques ou
rythmiques, ou encore à certaines attitudes adoptées par la voix
poématique qui accepte de perdre pour gagner.