Par ces temps de grands malaises identitaires, subjectifs et collectifs, où les frontières vacillent, où l'identité fait problème - tantôt elle chavire et tantôt elle se crispe -, on découvre avec surprise que le concept de différence est lui aussi insuffisant pour rendre compte de toutes ces effervescences : il est trop simple, trop figé... Nous décrivons ici ces lieux par lesquels on passe pour devenir différent, et tenter de faire quelque chose de "sa" différence ; ces moments où nous sommes "entre-deux" ; dans les contextes les plus variés : l'écrivain qui se débat entre deux langues, la femme qui, pour accéder à sa propre féminité, doit se dégager de la Femme originelle, l'adolescent ou le jeune qui cherche à faire le pas sans passer à l'acte ou, simplement, se ranger, et même le chômeur cherchant "une place" (qui ne soit pas un simple trou) - tous passent par un entre-deux.
Celui-ci se révèle être un passage ou une impasse, selon que l'origine qui se rejoue dans cette épreuve se révèle accessible ou pas à une sorte de partage - qu'il s'agit justement d'éclairer. L'entre-deux est donc plus qu'un nouveau concept, c'est une épreuve où l'on s'affronte à l'Origine - perdue ou redonnée, morcelée ou en bloc. On s'y affronte à la fois pour la retrouver et pour s'en dégager. Et l'origine est une dynamique à laquelle on a affaire chaque fois qu'il s'agit de se déplacer. Ces déplacements requièrent une certaine énergie ; c'est elle, précisément, que ce texte voudrait libérer, en dégageant, à partir des vertiges originels, les entre-deux du possible. D.S.