« Que voulez-vous... Nous sommes trop noirs et trop loin de Paris... » Le propos, désabusé, reflète le peu de cas que faisait l’intelligentsia française de la fin du XIXe siècle des écoles professionnelles et provinciales de surcroît. Un désintérêt relayé par l’histoire... Et pourtant... S’intéresser à l’école des Mines de Saint-Étienne, au XIXe siècle, c’est découvrir qu’elle forma Fourneyron, Boussingault, Pourcel et Fayol, qu’elle procura à l’industrie du pays l’essentiel de ses cadres supérieurs, directeurs, ingénieurs. Cette étude historique s’attache à définir les trois temps de l’ingénieur dans la France du XIXe siècle, celui de l’ingénieur pédagogue, celui de l’ingénieur expérimentateur, celui de l’ingénieur administrateur. A contrario des idées reçues, elle montre que le pays n’a pas manqué d’ingénieurs ; que le désir de « science industrielle » est né avec l’industrialisation ; enfin, qu’une école d’État a été parfaitement capable de former des ingénieurs performants, rompus à la pratique industrielle, à l’innovation, aux sciences expérimentales. Technologie et technocratie ne se confondent pas. Les débuts de l’industrialisation ont fait émerger à partir du modèle allemand, un profil d’ingénieur industriel, arc-bouté sur la mixité privé/public, avec le soutien de l’État libéral, au nom de l’utilité publique. Il a fallu la grande crise technique du milieu de siècle pour que cette figure prenne corps et trouve une légitimité autre que celle que lui donnait l’entreprise. Dans les années 1880, la crise économique a frappé l’industrie. Le diplôme est né, comme une parade tandis qu’une lutte sévère se livrait entre grandes écoles. Alors, la figure de l’ingénieur s’est intellectualisée... L’ouvrage ouvre de nombreuses perspectives pour une réflexion actuelle sur la figure de l’ingénieur. Une figure placée entre l’État, la science et l’industrie.