Tout disparaît, a dit grand-père. (...) On se demande où on les a vues pour la dernière fois. Comment elles étaient, ces choses. D'où on les a eues. Comme si leur souvenir était la voie pour nous amener jusqu'à elles. On les étoffe, a dit grand-père, par nos souvenirs. La disparition donne de la valeur aux choses. Elle les transforme en un trou qui devient de plus en plus vaste. En une douleur qui ne veut plus finir. Pas étonnant qu'à ce compte-là nous soyons tentés d'empêcher leur disparition.
Dans ce recueil de récits, « entre nous » (« Unger üs »), le conteur « évoque des histoires anciennes comme on feuillette un album de photos, en tissant à partir de quatre-vingts images isolées tout un réseau d'anecdotes, de légendes et de on-dits au sein de la famille. Il a été bien à l'écoute du grand-père et de feu l'oncle Sämi. La privation de liberté subie pour objection de conscience traverse aussi le récit, mais elle débouchera, juste récompense, sur la rencontre du narrateur avec l'aimable Isabelle. Dans son récit dialectal, Guy Krneta se meut avec aisance dans tout l'éventail des tonalités, sérieuses et comiques, familières et politiques. »
(Beat Mazenauer)