Entre réalité et vérité
L'École d'Athènes, la célèbre fresque de Raphaël, représente la cohorte des philosophes autour des deux grandes figures de la pensée que sont Platon et Aristote. Platon désigne le ciel des idées tandis qu'Aristote pointe la terre. Deux figures, deux pensées qui, allégoriquement, indiquent le chemin de la vérité et celui de la réalité. Ils sont deux car ces deux chemins ne se croisent pas nécessairement.
Emprunter celui de la réalité pourrait être accepter l'illusion, l'erreur, voire le faux, car un mensonge est bien réel mais ne saurait jamais être vrai. Emprunter celui de la vérité pourrait être mépriser la réalité, soumettre hommes et choses à des idées qu'on croit vraies sans jamais en avoir la certitude. La voie de la réalité peut vite devenir celle du cynisme, celle de la vérité, celle du totalitarisme. Penser juste et dire juste consiste peut-être à dessiner la ligne de faîte entre réalité et vérité pour en départager l'ubac et l'adret et pour les garder en partage. Etre à la fois Aristote et Platon, réunir « la base et le sommet », telle est sans doute l'endurante tâche de la pensée, telle est la grave légèreté du dire poétique.