Le champ sémantique de «présence» s'organise
autour du sens d'origine : est présent ce qui est là,
in vivo, hic et nunc, dans une constellation
déictique, saisissable par ostension. Ainsi la
présence est-elle observable, sensible, pour la vue
essentiellement mais également pour l'ouïe et les
sens intimes, l'odeur, le goût et le toucher. La
présence se dit aussi bien d'une personne que d'un
fragment du monde, objet, état de fait,
événement. Mais une présence divine, mystique
ou spirituelle n'est pas observable : elle est réelle quoique non
matérielle. D'autre part, la reconnaissance ou le saisissement d'une
«présence» est une affaire hautement affective : les présences sont
pathémisées et jamais les corrélats d'états purement cognitifs. Notre
parcours consistera à capter le surplus caractérisant la présence dans
son rapport à l'existence sémiotique dans sa définition orthodoxe,
cheminement ponctué par des philosophèmes que Kant, Husserl,
Merleau-Ponty et Lyotard ont exemplairement médités. Notre partipris,
facilement reconnaissable, met la présence intrinsèquement dans
un rapport modalisé avec le sensible, avec la couleur, avec le son, la
saveur, avec l'occasion de la touche. Les essais sémio-esthétiques
constituant ce livre voudraient témoigner d'un immense respect pour
les épiphanies de la présence.