Témoin exceptionnel du XXe siècle, mort à cent deux ans, Ernst Jünger a vécu en Allemagne sous quatre régimes politiques et participé à deux conflits mondiaux. Héros de la Grande Guerre, d’un nationalisme agressif après la défaite allemande à laquelle il ne se résigne pas, il fait l’éloge du progrès technique et de la mobilisation totale dans les années trente ; mais il refuse sans ambiguïté les avances du régime nazi, avant d’adopter dans la seconde moitié de sa vie une position écologique aussi radicale qu’indifférente aux clivages politiques. Passionnément controversé en Allemagne où il a autant d’adversaires résolus que de partisans enthousiastes, il ne saurait laisser personne indifférent.
Avant tout, il est dominé par sa passion de la langue ; depuis ses premiers balbutiements littéraires en 1909, il n’a jamais cessé d’écrire, jusqu’aux dernières lignes de son journal en 1996. Grand lecteur de Bloy, de Malraux et de tant d’autres, il a suscité l’admiration de Gide ou de Borges, croisé Braque et Picasso, et incarné la réconciliation franco-allemande aux côtés de Kohl et de Mitterrand. La biographie de Julien Hervier est la première à répondre avec une précision éclairante à la curiosité qu’il suscite auprès du public français.