Erotòcritos, composé en Crète, alors sous la domination de Venise, du temps de Shakespeare et Cervantès, est un mariage d'amour entre la tradition médiévale et l'esprit de la Renaissance. Tournois et batailles y figurent en bonne place, mais d'un bout à l'autre c'est la passion amoureuse qui déferle et emporte tout. Ce poème épique est avant tout un long chant d'amour.
Son auteur, Vitzènzos Cornàros, aristocrate issu d'une famille vénitienne hellénisée, a forgé pour l'écrire une langue mi-savante, mi-populaire, dans un équilibre miraculeux. Ses images fraîches et ses formules bien frappées oscillent entre le simple et le subtil, le rustique et le raffiné, dans une « savante naïveté ». On trouve rarement alliées à ce point les séductions de l'oral et celles de l'écrit. Il y avait en 1600, et il y a toujours, dans ces vers enjôleurs, de quoi toucher tous les publics ensemble. La poésie est là, tout simplement.
Longtemps méprisé par les doctes, Erotòcritos a peu à peu séduit tous les Grecs au point de devenir l'un de leurs classiques les plus incontestables et l'un des mieux aimés.
Deux traductions françaises intégrales ont paru voilà vingt ans. Celle-ci présente le quart de l'ensemble seulement, mais c'est la première à chanter en vers, comme en grec.