«Anatomo-pathologie de la critique littéraire» : l'expression
semble dure, et même injuste. N'est-ce pas jeter la suspicion
sur une profession honorable, reconnue et rétribuée par la
République, qui lui confie nos enfants au lycée, des étudiants en
Faculté ? Ne s'agit-il pas d'une «science humaine», dotée de
laboratoires de recherche, d'équipes idoines, revues en attente
de classement, colloques internationaux, séminaires, commissions
expertes, jurys de thèse, grades, toges et gravité doctorale
?
Ce court essai en six actes ne doute pas un seul instant de
faits aussi patents. Il admet l'existence objective de toutes ces
belles choses. Fruit de quelques décennies de pratique enseignante
dans une École Normale Supérieure, quelques livres et
articles, il se demande seulement, sous l'aile de Montaigne : Que
savons-nous ? Que faisons-nous ?
Pour engager un début de réponse, il choisit cinq textes ultra-célèbres
d'auteurs ultra-fameux du XVIIIe siècle, spécialisation
oblige. Plus un du XIXe. Et, en toute candeur, il se voit contraint
d'avouer qu'au bout du compte, il faudrait sans doute mieux cultiver
en commun notre jardin. On voit qu'il risque d'encourir
un très redoutable reproche : substituer la polémique à la science
sereine. Ne pas détester, ne pas rire, comprendre, disait Spinoza. Mais
que faire si, croyant comprendre, l'envie vient de rire, comme les
Lumières françaises en ont eu la fâcheuse manie ?