Fins de la littérature
Les discours sur la « fin » de la littérature se multiplient. Les uns déplorent la perte de son aura sociale, l'affaiblissement de son lectorat et préfèrent avec nostalgie les écrivains d'hier à ceux d'aujourd'hui. Les autres évoquent les menaces qui pèsent sur le livre et s'inquiètent de son avenir numérique.
Ce flot critique réactive complaisamment une tonalité crépusculaire propre aux fins de siècle. En renouant avec les esthétiques du déclin, il rejoue la prophétie hégélienne d'une mort de l'art. Mais il pointe également ce qui menacerait notre temps : la dissipation de l'héritage humaniste, de l'exigence intellectuelle et de l'esprit critique dans un monde qui abandonne la culture au spectacle et au marché.
Il était temps d'interroger ces discours, d'en peser les arguments, les enjeux et les références. Porteurs d'une idéologie ou d'une représentation singulière de la littérature, ne perpétuent-ils pas, en ce début de XXIe siècle, un geste de « l'adieu » volontiers repris par les écrivains eux-mêmes ?
À moins que la littérature présente ne cherche désormais à se figurer comme survivante : une littérature d'après la fin ?