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Edmundo Galeano a vingt-sept ans, il a parcouru le monde, participé à une mission humanitaire et est revenu dans la maison paternelle avec une main estropiée. Il veut écrire un roman qui expliquera le monde.
Sa famille passe par une série de vicissitudes économiques qui mettent en danger la maison familiale, refuge de tous. Il y a l'aîné qui a tenté de conjurer le sort. Le cadet qui essaie de sauver son cheval du naufrage de sa fortune. Celui qui a besoin de place pour le bébé qu'attend sa femme. La jeune soeur divorcée et son enfant. Et la tante Titi qui a sacrifié sa vie pour élever ses neveux et dont la vieillesse est maintenant encombrante. Lorsque le père de famille, ruiné, baisse les bras, tout se précipite et chacun est confronté à ses échecs et à ses culpabilités. Edmundo prend alors conscience que ses aventures lointaines et son projet littéraire sont en lien direct avec les batailles privées qui se déroulent autour de lui.
Ce superbe roman choral explore les relations familiales avec les actions et les sentiments qui constituent les vies ordinaires et les abîmes qu'elles recouvrent. Mais l'auteur nous montre aussi le processus de la création littéraire qu'elle définit ainsi : « Nous cherchons la lumière à partir de ce que nous écrivons. Chaque phrase est l'ombre de l'ombre d'un rêve. Le rêve est la réalité. »
Un grand roman écrit par une très grande romancière.
Au milieu des années 80 j'ai rencontré Pierre Léglise-Costa et sa double culture franco-lusitanienne, et avec lui une nouvelle génération d'auteurs portugais, parmi lesquels Lídia Jorge, dont j'ai publié depuis 1988 11 romans. Je me souviens du choc qu'ont été pour moi son Rivage des murmures et notre première rencontre. Lídia peut en une phrase écrite ou prononcée ouvrir la voie vers les plus profonds méandres personnels ou politiques d'une vie, elle fait éclore des situations ou des personnages en prise sur un autre monde, elle sait broder la matière des rêves. Elle ouvre des fenêtres sur un espace mental différent. C'est une magicienne puissante qui défend fermement ses convictions littéraires et ses luttes politiques. En 30 ans d'échanges, de discussions, de lectures, notre amitié est allée bien au-delà des relations professionnelles et reste toujours essentielle et forte. Lídia Jorge a l'air fragile et douce mais, quand elle prend la parole, elle donne le pouvoir à la littérature.