Comme souvent chez Paolo Virno, un détail est hissé
à des niveaux d'interprétation inédits et son analyse
éclaire d'un jour nouveau le tableau tout entier de
notre relation au monde. Le point de départ est ici le
dispositif de la «régression à l'infini», qui nous fait nous
demander le pourquoi d'une chose, puis le pourquoi du
pourquoi, et ainsi de suite à l'infini... Elle constitue, avec la
«négation» et le «possible», la base logique de la métaphysique.
Mais toute l'originalité du travail de Virno est
d'en déplacer le champ et de la placer dans celui d'une
anthropologie matérialiste, où elle agit sur le terrain des
émotions humaines.
De ce point de vue, la régression à l'infini, qui «indique
l'incomplétude d'une démonstration», pointe les situations
où l'individu, face au monde, fait le constat de son échec.
Et «ne faisant pas autre chose que de proposer à nouveau,
à un niveau plus abstrait, le problème même qu'elle paraissait
avoir tout juste résolu», elle ressemble à s'y méprendre
à ces expériences quotidiennes auxquelles est confronté
l'homme dans la société, l'homme face au politique, par
exemple, sur lequel il n'a plus prise. Dès lors, quelles sont
les méthodes pour l'interrompre ? En irait-il de notre vie
pleine et entière si nous ne parvenions pas à les trouver ?