Par une triste journée de septembre 1980, une jeune servante
tamoule, Chellam - accusée par une fillette de six ans, Aasha,
d'avoir joué un rôle dans la mort mystérieuse de sa grand-mère
-, s'apprête à quitter, pour n'y plus revenir, la "Grande
Maison" de Kingfisher Lane qui abrite les Rajasekharan, une
famille de notables indiens de la ville d'Ipoh, en Malaisie. Sa
soeur aînée, Uma, s'étant, une semaine auparavant, envolée
pour les Etats-Unis, la petite Aasha est seule, à présent, pour
affronter une situation familiale délétère, entre un père aussi
progressiste qu'absent et une mère que ronge l'amertume...
C'est dans l'inquiétude ainsi créée et au fil d'un envoûtant
récit kaléidoscopique que Preeta Samarasan fait peu à peu surgir,
sous le regard de la fillette, les non-dits et les mensonges
dans lesquels s'enracine le "roman familial" des Rajasekharan,
jusqu'à convoquer la figure du grand-père fondateur, jadis misérable
coolie perdu dans la foule d'une immigration indienne
aujourd'hui encore condamnée à la précarité par des lois iniques,
aux allures d'authentique apartheid, dans un pays prétendument
multiracial qui privilégie ouvertement sa communauté
malaise.
En invitant, dans un roman impressionnant d'autorité et de
lyrisme, à une exploration sans compromis de la profonde corruption
du rapport au monde, sur le plan individuel et collectif,
dont est responsable la classe politique de son pays, Preeta
Samarasan s'inscrit dans la lignée d'un Salman Rushdie, d'une
Arundhati Roy ou d'une Kiran Desai, et inaugure avec éclat l'entrée
de la Malaisie sur la scène de la littérature mondiale.