Et me voici vivant.
Je suis venu ici triompher du grand fléau. Je suis le junkie, je suis l'homosexuel, je suis la prostituée, je suis l'Africain. Par moi l'orphelin retrouvera sa mère. Par moi le père retrouvera sa fille. Par moi le décharné retrouvera ses joues. J'étais mort et me voici vivant. F. J.
Depuis qu'il soupçonne la maladie de rôder, depuis qu'il sent son travail de sape sur son corps et son esprit, toutes les énergies du narrateur sont tendues vers la vie.
Au terme d'un voyage qui le conduit dans un Orient fantasmagorique, il aura transformé son appartement en champ de ruines, fêté ses trente-trois ans au milieu d'un chantier indescriptible, se sera mis à dos toutes les corporations du bâtiment, aura écumé les puces et Drouot dans une désopilante compulsion d'achats, planté là l'ancienne entreprise familiale de champagne où il était le salarié d'un zombie sadique, croisé Noureev mourant à l'Opéra, consommé toutes les drogues, écumé les souks, visité la villa des mystères...
Fuite en avant par le délire, la dérive que François Jonquet met ici en scène est une exacerbation de tout. Passé maître dans l'art de l'esquive, le «je» narrateur brouille les pistes, réinterprète le monde, prend au piège de ses stratégies un lecteur tour à tour complice et médusé...
Et me voici vivant, servi par une langue tendue à l'extrême, conjugue avec brio naufrage et folle espérance.