Etoile de Paris
Comme c'était rafraîchissant ! Boulevard Saint-Germain, les grilles ondulées sur le trottoir, avec dessous les lumières du Métro et du gravier, me révélaient les dangers de l'enfer. La braise rouge d'une cigarette s'engouffra sauvagement par les mailles du grillage. Encore une étoile qui tombait ! Mais la tour de l'église s'élevait tel de l'ivoire ancien, rendue crayeuse par la palette du temps. Une jambe noire se profila sur un seuil blanc, une vieille femme furieuse avec une jeune chevelure blonde, des continents d'écorce brune s'accrochant au monde blanc et cylindrique d'un érable pelé, l'un d'eux incisé comme par un réseau de voies ferroviaires, tel était Paris : vent et pierre, urine et anneaux rouillés aux murs. Paris promettait de m'enivrer d'été et de café, afin que j'oublie mon Etoile. Paris m'offrait des spectacles devant des tentures étoilées. Paris se pliait en quatre pour me surprendre avec des orgasmes de sucre et de beurre. L'amour mort me hantait-il ? Paris m'ouvrait ses cuisses, elle était prête à tout, elle me tendait ses bras et ses jambes ! Une gracieuse Parisienne dotée d'une bouche étrangement mobile s'était mise à me poursuivre, elle agitait ses longs doigts nerveux, et tournait, incroyablement pâle, cherchant à me toucher, à m'étreindre. »
W. T. Vollmann
Sous le signe de Lautréamont dans Les Chants de Maldoror ou de la Nadja de Breton, une élégie à l'amour - impossible, définitivement charnel, fatalement déconcertant - dans une ville de Paris sexuée à l'infini, immense et poétique lupanar et commune libre des passions effrénées, lieu par excellence de l'incarnation du désir. Un impétueux et voluptueux voyage au coeur d'un monde enfin et puissamment « décentré ».