Être marin en Europe occidentale
1550-1850
Hier on savait ou l'on croyait savoir. Les marins étaient cette frange un peu marginale de la société, libre d'attaches
familiales et culturelles, qui passait sa vie en mer lorsqu'elle ne fréquentait pas les bouges des ports d'escale des Antilles à l'océan Indien. Depuis une trentaine d'années, les travaux sur le monde maritime ont largement permis d'affiner le tableau, de rendre à la réalité sociale et géographique une grande part de sa riche complexité. Le temps est alors peut-être venu de faire le point en proposant une synthèse des recherches récentes.
Alors, marin, qu'est-ce à dire ? Le terme convient-il dans sa désignation générale ? Ne résulte-t-il pas du regard de terriens
sans réelle connaissance des choses de la mer ? N'est-ce pas ce que l'autre donne à voir de réalités éclatées alors que
ce terme générique recouvre des trajectoires individuelles variées, multiples, étonnantes parfois ? Les parcours proposés
en ouverture de cette réflexion rendent compte au plus près de la complexité des situations, de même que les témoignages sélectionnés invitent à pénétrer dans l'atelier de l'historien pour saisir l'« être marin » dans le texte.
Ni mort, ni vivant : marin ? Les risques liés au travail, les conséquences des dures conditions d'existence dans
un espace limité, la violence, en temps de paix comme en période de guerre, fournissent des marqueurs qui singularisent la condition de marin, façonnent une mémoire commune et contribuent aussi à « être marin ». La diversité associée à la singularité personnelle permet d'inscrire les marins dans un ensemble collectif homogène, de décrypter les rapports qu'ils entretiennent avec les structures d'encadrement traditionnelles (paroisse, seigneurie, communauté de métier, confrérie).
Marin un jour, marin toujours ? Les identités sociales ne sont ni fixées définitivement, ni insensibles aux législations comme aux variations des conjonctures économiques ou militaires. En confortant ou en modifiant les modélisations sociales, les événements rendent plus mouvantes et plus perméables qu'on aurait pu le penser ces manières d'être marin.
Ce travail entend par là faire le point sur l'histoire de sociétés maritimes, leur constitution, leur établissement, leurs structures, leurs transformations et leurs représentations. Il s'inscrit dans une interrogation historiographique plus large, celle qui associe ou qui oppose l'individu à la communauté, l'unique à la pluralité.