Mon propos dans les textes qui suivent a été, non pas de présenter la pensée de Tocqueville, de Weber, de Simmel et des autres «dans leur unité», non comme celle de penseurs qui auraient tenté de produire un système, une «vision de la société» ou une doctrine, mais comme l'œuvre de scientifiques visant à proposer des explications convaincantes de phénomènes énigmatiques, comme c'est le rôle de tout homme de science, et s'interrogeant sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
Dès qu'on suit cette ligne d'analyse, l'impression d'hétérogénéité, qui domine dès lors qu'on juxtapose «la sociologie de Tocqueville», «la sociologie de Marx», «la sociologie de Durkheim», «la sociologie de Weber», etc., s'atténue considérablement. Nisbet avait bien vu qu'ils partagent des intuitions conceptuelles communes (ainsi, tous prennent en compte - à travers des mots qui varient de l'un à l'autre - la distinction entre communauté et société ou entre sacré et profane). Les textes qui suivent suggèrent qu'ils partagent aussi des intuitions théoriques et méthodologiques communes.
Raymond Boudon.