Herman Bang écrit en chemin. En se déplaçant d'un milieu urbain moderne à l'autre, il crée souvent des personnages provinciaux apparemment immobiles, ces êtres qu'il dénomme existences silencieuses et qui, derrière leur apparent attentisme, voire leur paralysie existentielle fortement trompeuse, sont porteurs d'un profond tumulte émotionnel qu'ils ne parviennent pas à exprimer, mais dont les traces sont détectables dans leurs actes, parfois manqués, et dans ce qu'ils sont incapables, justement, de dire. L'auteur voyageur se penche également sur les êtres excentriques des grandes villes de la modernité européenne, les victimes de ce que Rousseau appelait « le tourbillon social » : dupes de l'apparence, ces auteurs, acteurs (ou serveur dans le cas de Franz Pander) sont les « enfants d'un point mort ». Ce « point mort » se trouve chez Herman Bang à l'exacte intersection de la tradition religieuse, culturelle et politique d'autrefois, qui n'offre plus de repères, mais qui ne lâche pas prise non plus, et de l'ordre vide des temps modernes, déterminé par les sciences naturelles et le mécanisme froid de la « sélection » darwinienne.