Aux frontières du conte populaire, du
mythe, du proverbe et de l'histoire drôle,
la fable constitue peut-être le plus ancien
genre littéraire cultivé presque sans
interruption jusqu'à nos jours. Dans l'histoire
de ce domaine immense qui s'étend
des papyrus égyptiens au Mahabharata,
d'Horace à Marie de France, de Phèdre à
La Fontaine, le recueil d'Ésope constitue un document
de première importance. Les pièces qu'il regroupe
ouvrent au lecteur l'univers quotidien et le panthéon
familier de tout un peuple anonyme de voyageurs, de
chasseurs, de paysans ou d'esclaves. On y découvrira
sous forme dépouillée la morale courante que les Grecs
ont inculquée à leurs enfants.
Les animaux de la fable ne se racontent jamais de fables :
dans l'âge d'or qui était le leur, ils n'en avaient sans doute
pas besoin ; dans l'âge de fer qui est le nôtre, dont ils
nous proposent à leur tour un reflet, ils n'en ont plus le
temps. Dans le clivage entre les deux temps se tient la
fable, depuis au moins quarante-cinq siècles, avec le père
qu'elle s'adopta, venu de Grèce ou d'Orient, d'emblée
aussi fabuleux qu'elle.