"Notre époque est marquée par la prolifération des victimes,
ou du moins des personnes qui se disent telles."
Ainsi commence cet essai, volontiers percutant, d'Emmanuel
Terray. Il ne se satisfait pas des discours, le
plus souvent doloristes, qui se répandent dans nos
sociétés et qui tentent d'instaurer une nouvelle police
de la pensée.
Attention à ceux qui n'obéissent pas aux exigences
des porteurs de mémoires blessées ! Ils s'exposent à
leur vindicte, et de plus en plus à des procès, qui ne
sont pas simplement d'intention. Comme si le système
judiciaire pouvait se substituer au travail des historiens.
Face à ces abus de mémoire, à la surenchère des
différents groupes qui tentent de faire prévaloir leur
statut de victime, il s'agit de préserver la liberté de pensée.
Là où des lois viennent empiéter sur le métier des
historiens et où la libre controverse semble de plus en
plus encerclée, Emmanuel Terray plaide avec vigueur
pour les vertus de l'amnistie. L'édit de Nantes n'est-il
pas un exemple magistral d'amnistie, qui a mis fin à
quarante années de déchirements et de massacres, et a
donné à la France quatre-vingt-cinq ans de concorde
religieuse ?
Au lieu de céder à la célébration du passé et à la
tentation de s'enfermer dans ses impasses, ce livre est
une invitation à ouvrir bien grands les yeux sur le
monde actuel.
"Les victimes ont droit à toute ma compassion, mais
c'est aux combattants que va mon admiration."