Depuis les années 90, les jeunes réapparaissent dans l'espace public principalement au travers d'indices négatifs, de manques ou d'absences. Chômage, rupture de formation, dépendances, violences, délinquance, etc. sont les catégories de pensée les plus fréquemment utilisées aujourd'hui pour « dire » la jeunesse. Ce découpage de la réalité des jeunes par problèmes, s'il fait sens pour un certain nombre d'acteurs (travailleurs sociaux, enseignants, éducateurs, journalistes, etc.), nous éloigne pourtant de l'analyse de mouvements plus profonds et de tendances longues qui érodent les conditions de possibilité du passage à la vie adulte.
Ce livre propose de partir d'un postulat différent : si la jeunesse existe à nouveau comme sujet de préoccupation, c'est que les jeunes ne sont plus en mesure de quitter « normalement » cette condition qui se veut socialement passagère. Il faut alors tenter de comprendre à la fois comment les jeunes traversent cette période particulière du cycle de vie et quelles sont aujourd'hui les modalités du passage à la vie adulte.
Les générations sociales qui entrent dans la vie professionnelle à partir du début des années 90 rencontrent une situation radicalement différente des générations qui les précèdent. Pour saisir ces différences, ce livre, tiré d'une étude sociologique de terrain dans une association qui s'occupe d'insertion professionnelle, analyse l'expérience des jeunes dans leurs parcours d'accès à la vie professionnelle. Il montre que les modalités d'intégration professionnelle des jeunes aujourd'hui se sont fortement individualisées. Elles font surgir de nouvelles formes d'inégalités dans la réalisation des « chances de vie » de chacun qui sont moins visibles et peu relayées dans l'espace public.