Demander une assistance médicale à la procréation, recourir à l'avortement pour des raisons diverses, contrôler après coup une conduite sexuelle à risque par une pilule du lendemain, et bientôt peut-être exiger d'être euthanasié: depuis que l'État s'est engagé dans un processus de dépénalisation de ces pratiques médicales, on peut aujourd'hui faire beaucoup de choses de son propre corps quand il s'agit du début ou de la fin de vie. Cette liberté s'exerce néanmoins à une condition, toujours la même: se présenter devant un médecin. Et que vous demande ce médecin? Presque rien, semble-t-il. Il vous demande de vous asseoir et de parler de votre état, de votre demande. Bref, de ce qui vous amène là.
C'est ce "presque rien" dont il est question dans cet ouvrage. Un "presque rien" qui révèle, en réalité, un nouveau système de surveillance dans lequel le médecin prodigue informations et conseils à un sujet jugé désormais capable de prendre seul des décisions souveraines en matière de vie et de mort. Un face-à-face où apparaît le malaise de ceux qui assument la délicate mission de recueillir l'expression du désir ou de la détresse.
À partir d'une longue enquête dans le secret des cabinets médicaux, l'auteur explique comment la régulation juridique a laissé place à des formes de pouvoir beaucoup plus sophistiquées, un dispositif souple de gouvernement des conduites qui laisse toute sa place à l'autocontrôle et à l'intériorisation par les individus des normes sociales. Elle montre ainsi comment, du cabinet du praticien jusqu'au Comité consultatif national d'éthique, c'est une nouvelle administration du vivant qui se met en place.