Faits, fictions et prédictions
Faits, fictions et prédictions est un chef-d'oeuvre de la philosophie analytique nord-américaine. En guère plus de cent pages d'une prose dont on ne saurait retrancher le moindre mot, Nelson Goodman renouvelle l'étude du problème de l'induction légué par David Hume. Il a perçu les étroites relations qui unissent quatre catégories de problèmes : l'interprétation des énoncés contrefactuels (comme « Si j'étais riche, ma deux-chevaux serait une rolls-royce ») dont les antécédents sont faux ; l'interprétation des énoncés contenant des termes dispositionnels comme « soluble » ; la nécessité de distinguer les lois scientifiques des simples généralisations accidentelles et le problème de l'induction ou de la projection de prédictions portant sur des cas inobservés à partir de connaissances portant sur des cas observés. L'ouvrage s'organise autour de la formulation et de la solution de la fameuse énigme de l'induction. Goodman invente le prédicat de couleur « vleu » qui s'applique à toutes les choses examinées avant l'an 2000 et son vertes ou à toutes les choses non examinées avant cette date et sont bleues. Comme toutes les émeraudes que nous avons examinées se sont révélées vertes, les prédicats « vert » et « vleu » s'y appliquent. Donc nous sommes portés à prédire de la première émeraude qui sera examinée le 1er janvier 2000 conjointement qu'elle sera verte et qu'elle sera vleue. Mais ces deux prédictions ne peuvent pas être simultanément vérifiées : la première émeraude vleue à être examinée le 1er janvier 2000 sera bleue et non pas verte. Qu'est-ce qui nous fait préférer l'usage de mots comme « bleu » et « vert » à des mots comme « vleu » et « blert » pour accomplir nos inférences non démonstratives ? Artiste autant que logicien, Goodman subordonne l'intérêt des méthodes à la profondeur philosophique.