Boy : On joue la finale contre Glasgow. On ne pouvait pas tomber pire, parce que si on perd, on va en entendre parler pendant des années. Glasgow, ce sont les ennemis jurés. Ceux de l'île du Nord disent que pour Glasgow, il n'y a qu'une seule chose à faire : faire comme le vent, siffler.
Glasgow qui vient jouer son match ici à Stornoway, c'est le Prince qui vient trouver le Roat : ils ont eu toute la terre à traverser.
Il y a vingt-deux ans, la dernière fois qu'on a joué la finale, c'était déjà contre Glasgow, il y avait un Patterson dans chaque équipe : un Patterson à Glasgow et un Patterson dans les Ghost de Stornoway. On ne sait pas comment le hasard s'est débrouillé, mais ils étaient frangins pour de vrai, un dans chaque équipe, et ceux qui ont vu le match disent qu'on n'a jamais vu des frères autant se détester. S'ils avaient pu, ils se seraient entretués.
Moi, je dis que quand ce genre de choses arrive, il vaut mieux fermer les yeux. C'est plus facile de ne pas regarder.
Ils disaient tout le temps ça, là-bas : « Il vaut mieux fermer les yeux, c'est plus facile de ne pas regarder. »
Ferme les yeux.
Fais-le vraiment.
Tu fermes les yeux, tu es là-bas.
Tu vois ton frère, le petit, celui avec Tours en peluche, ou le lapin, tu ne sais plus très bien. celui avec la morve séchée sous le nez, qui réclame tout le temps sa mère. celui qui attend le soir pour traverser le dortoir et venir dormir contre toi.
Fantôme raconte l'histoire d'un match de foot. Et aussi l'histoire d'une Princesse et d'un Prince, enfin d'un Roat, enfin du Fantôme.
Mais Fantôme évoque aussi l'histoire d'un des secrets les mieux gardés d'Ecosse : le sort peu enviable d'enfants, séparés de leur milieu familial, qui échouent dans des institutions qui ont perdu toute humanité.
Fantôme est une prière pour hanter les lieux que les hommes ont abandonnés : les usines, les cimetières, les églises, l'Angleterre, les petites épiceries, les rues et, pourquoi pas, les théâtres.