Rien n'est plus dangereux que l'abord d'une femme, il faut fuir, c'est plus sûr, c'est
l'unique parti à prendre dans une occasion aussi périlleuse. S'entretenir avec une
femme, c'est dormir avec une femme. Il faut éviter avec un soin extrême de toucher
une femme. Les vieilles et les laides ne sont pas moins redoutables car elles ont recours à
l'art lorsque la nature leur manque. L'esprit des femmes est bien plus propre à faire naître
du dégoût qu'à allumer la passion. (Abbé Drouet de Maupertuis, 1715)
Les misogynes des XVIIe et XVIIIe siècles ne s'embarrassent pas de périphrases pour
exprimer leurs phobies. Ne rions pas ! C'est le discours dont se servent les intégristes
musulmans pour justifier, aujourd'hui même, le port du voile intégral. Et sous nos
latitudes, des traditionalistes aux aguets cherchent à expliquer, à justifier ou à nier
l'ancienne misogynie.
À l'appui de nombreuses citations et d'un recueil de textes peu connus ou inédits,
Pierre Darmon retrace l'histoire d'un débat d'une éternelle actualité.
En effet, depuis toujours, les femmes sont au carrefour des passions et de la déraison.
L'enseignement vient de loin. La Genèse nous apprend que la femme est issue de la
côte de l'homme. Pour les misogynes d'antan, aucun doute : la côte est incurve, la
femme aura donc l'esprit tordu ; elle est «craquante», aussi sera-t-elle bruyante et
babillarde. «Faux !», rétorquent les féministes : «La côte se situe près du coeur, la
femme sera donc tendre et sensible.» Ecclésiastiques, littérateurs, médecins et juristes,
Bible et patrologie en main, rivalisent d'arguments déconcertants.
Et puis, au milieu du tumulte, surgissent des féministes modernes. Mais leur lucidité
fera long feu.
Avec le XIXe siècle, la bonne gestion bourgeoise de la femme s'impose. Les médecins
prennent les choses en main. Fini le temps des insultes et des exégèses. On s'incline
désormais devant la Raison et la Nature. La femme sera donc adulée et encensée,
mais assignée à résidence et condamnée aux tâches domestiques qui conviennent le
mieux à son génie. Et ce nouvel ordre aura sa Bible : le Code civil.