Pourquoi les fraises d'hiver, produites dans la province de
Huelva en Espagne, sont-elles si peu chères ? Derrière la
modicité des prix d'un produit pourtant coûteux en investissement,
se dresse un système basé sur l'usage de la main
d'oeuvre comme variable d'ajustement. Cette industrie a
entre autres particularités de recourir pour de courtes
durées au recrutement de femmes marocaines, issues du
milieu rural et avec des responsabilités familiales, c'est-à-dire
mères de jeunes enfants. Sélectionnées dans leur
pays pour la supposée délicatesse de leurs mains, elles
sont l'objet d'une gestion de travail fondée sur le contrôle
et la discipline, leur statut de mère étant utilisé comme un
moyen de les maintenir au travail et de garantir leur retour
au pays. Les ouvrières marocaines vivent des conditions
de travail marquées par la contrainte et la pénibilité. Malgré
cela, elles souhaitent plus que tout revenir en Espagne.
Pourquoi tiennent-elles tant à ce travail ? Comment
comprendre cette ambivalence où cohabitent domination
et émancipation ?