Paru il y a quarante ans sous le titre de Nicolas Gayoûle, voilà un livre dont on peut dire qu'il a, comme certains vins, bonifié avec le temps. S'articulant autour de la figure tutélaire d'un grand-père, conteur et chansonnier, il se développe par épisodes dans une vie comme exaltée, où les coeurs purs côtoient les âmes damnées et où les faits et gestes s'inscrivent dans un registre tantôt truculent, tantôt tragique ou intime, pieux ou paillard, et toujours émouvant.
Liberté de ton, vigueur, mouvements d'humeur et traits d'humour dynamisent ces histoires de désir, de naïveté et de tendresse, les amours au fond du soir, les tentations terribles, les fidélités et les infidélités, les ivresses et les batailles. Une allégresse de vivre et de voir court à travers les images drues, charnelles et baroques, avec à la clé spots et proverbes d'amon nos ôtes. N'est-ce pas de ces fêtes, fureurs et passions que nous avons le plus besoin en notre époque dénaturée, désenchantée, précipitée dans la course mercantile du progrès, où les racines se raréfient, se perdent, s'épuisent ?
Il faut, écrit Jean-Pierre Otte dans un mot de préface, une littérature pour nous rendre les terres en friche de nos mémoires, dans la recherche d'une manière plus exaltante de se conjuguer au présent de l'indicatif.